Tchernoblaye dans Sud-Ouest (en 2011) |
Photo - La décision de manifester a été prise samedi par les militants de l'association.
Tchernoblaye appelle à un rassemblement le lundi 25 avril devant la centrale nucléaire du Blayais. Outre ses militants, l'association compte sur les organisations opposées au nucléaire (Verts, NPA, Confédération paysanne, Aquitaine alternatives ) et sur « tous les citoyens » qui, au vu des événements de Fukushima, pensent « qu'une catastrophe est possible à tout moment en Blayais », estime Stéphane Lhomme.
Triste anniversaire
Ce dernier, qui a été réélu samedi président de l'association lors de l'assemblée générale à Bègles, justifie la manifestation du lundi de Pâques par deux motifs. D'abord parce que la technologie utilisée au Blayais, comme sur 54 des 58 réacteurs français, est proche de celle du Japon. Dans ce dernier cas, le tsunami a eu un rôle déterminant.
En 1999, la centrale de
Braud-et-Saint-Louis avait vu ses digues submergées par l'eau. Même si elles ont été
surélevées, « une même tempête survenant un jour de marée haute ferait passer l'eau
par-dessus la digue actuelle », pronostique Stéphane Lhomme.
Autre argument : celui de l'âge. La centrale du Blayais aura 30 ans le 12 juin. « Il faut qu'elle s'arrête », dit le président de Tchernoblaye en rappelant que c'était la date limite annoncée lors de l'ouverture. Enfin l'association a choisi le 25 avril parce que c'est la date anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (il y a 25 ans). La manifestation se veut néanmoins festive : pique-nique et animations sont prévus.
Sud-Ouest - 10 février 2011
Tchernoblaye tire sur
la centrale nucléaire
L'association Tchernoblaye montre du doigt la centrale électronucléaire du Blayais
[Photo : Stéphane Lhomme repart à la charge contre la centrale nucléaire. photo « so
» ]
Stéphane Lhomme et l'association Tchernoblaye n'ont pas aimé les
récentes publications consacrées au CNPE (Centre nucléaire de production
d'électricité) du Blayais. Et le font savoir. « Nous sommes confrontés à une centrale
vieillissante et donc de plus en plus dangereuse, où les précaires qui y gagnent leur
vie y perdent leur santé en travaillant en zones contaminées [
]. »
Moins disponible que ses homologues belges ou américaines, selon Tchernoblaye, « cette
centrale reste une centrale aux performances inégales et à la sûreté incertaine ».
Rappelant en outre que les citoyens « sont en droit d'exiger l'arrêt de la centrale au
bout de trente ans de fonctionnement », Stéphane Lhomme et ses amis insistent sur les
risques : « En réalité, quels que soient les gestes réalisés, toute contamination et
toute irradiation augmente immédiatement les risques de cancers. Il est d'ailleurs
choquant que des établissements scolaires du Blayais préparent les jeunes à aller se
faire irradier dans l'industrie nucléaire. »
Et Tchernoblaye de préciser : « La centrale rejette dans son environnement des produits
polluants chimiques (10 tonnes par an d'acide borique cancérigène, mais aussi lithine,
hydrazine, morpholine, ammonium, phosphates, etc.), des gaz radioactifs (nocifs jusqu'à
50 kilomètres autour des centrales, selon une étude de l'université de Mayence,
pointant des augmentations de cancers dans ce périmètre). » Au plan économique, le
CNPE ne trouve pas plus grâce : « La centrale a fait fuir la plupart des autres
activités. »
Tchernoblaye prévoit d'organiser « un grand pique-nique
antinucléaire le lundi 25 avril prochain, à midi, devant la centrale nucléaire du
Blayais, à l'occasion des 25 ans de la catastrophe de Tchernobyl, et des 30 ans du CNPE.
Pour en réclamer la fermeture ».
Sud-Ouest - 9 février 2011 - Sébastien Darsy
La centrale nucléaire du Blayais sauvée des eaux ?
Le centre nucléaire de production d'électricité du Blayais doit désormais faire face
à la menace de tempêtes exceptionnelles
Xynthia l'an passé, Klaus en 2009
Mais c'est surtout Martin, dix ans plus tôt, qui
a frappé les esprits dans le Blayais et alentour. À quelques heures de l'an 2000,
l'ouragan qui s'abat sur le Sud-Ouest dans la nuit du 27 décembre 1999 se révèle d'une
ampleur exceptionnelle, au point d'être qualifié après coup de « tempête du siècle
».
Et surtout de provoquer l'inondation d'une partie de la centrale nucléaire du Blayais,
événement dont les conséquences auraient pu être catastrophiques. Une grosse décennie
plus tard, la centrale fête ses trente ans d'existence. C'est donc que les leçons ont
été retenues ? En effet, le phénomène climatique n'avait nullement été anticipé par
les ingénieurs d'EDF. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée de surveiller
les installations atomiques françaises, n'en fait d'ailleurs pas mystère.
Trop optimiste
« Historiquement, rappelle Anne-Cécile Rigail, chef de la division de l'ASN de Bordeaux,
quand on construit une centrale, il convient de prendre en compte dans sa conception un
certain nombre d'agressions, des phénomènes extérieurs qui peuvent avoir un impact
négatif sur les installations. Avant la construction de la centrale du Blayais, EDF avait
fait des hypothèses qui, en 1999, se sont avérées un peu trop optimistes. La tempête a
montré qu'il était nécessaire de les réévaluer. »
Et cela d'autant plus qu'à l'avenir, sous l'effet des incertitudes dues au dérèglement
climatique, la survenue d'autres tempêtes à l'ampleur similaire dépasse le cadre de la
simple hypothèse, comme semblent le montrer, depuis, le passage de Klaus et celui de
Xynthia
Construite en bordure de l'estuaire de la Gironde, la centrale nucléaire du
Blayais a besoin d'énormes quantités d'eau fluviale pour refroidir ses réacteurs.
Revers de la médaille : « l'usine d'électricité » doit veiller à se protéger des
forces de la nature (houle, vent et marée).
Un circuit vital touché
Dans la nuit du 27 décembre 1999, c'est la marée qui a eu le dernier mot. Rappel des
faits. En haute Gironde, des vents soufflent en rafales de 180 à 190 km/h. La puissante
et inhabituelle houle sur l'estuaire engendre alors des vagues qui sautent par-dessus la
digue de protection. Les installations des réacteurs 1 et 2 sont touchées. Deux circuits
de sauvegarde sont hors d'usage, et notamment, à l'intérieur de l'enceinte, le
dispositif d'aspersion qui permet de faire baisser la température en cas d'accident.
Plus grave : quelques heures plus tard, la moitié des quatre pompes du circuit de
refroidissement (SEC) du réacteur numéro 1 tombent en rade. Ce même circuit qui
empêche la fusion du cur du réacteur, soit l'accident le plus grave qui puisse
survenir dans une centrale atomique, comme ce fut le cas à Three Mile Island, aux
États-Unis, en 1979, et à Tchernobyl, en Ukraine, en 1986.
Face à ces graves avaries, la direction du site nucléaire n'a pas tardé à déclencher
le plan d'alerte, lequel a par ailleurs parfaitement fonctionné. Les opérations de
pompage ont débuté très rapidement, mettant fin à tout risque d'accident majeur. Les
dégâts furent cependant considérables. « Pendant trois semaines, se rappelle un
ouvrier de la centrale, on a bossé jour et nuit. Les moteurs du circuit de
refroidissement étaient noyés sous 5 mètres d'eau. Des trémies étanches avaient
cédé sous la pression de l'eau (1). »
Suite à cette tempête, l'ASN a prescrit à EDF de rehausser la digue en adoptant des
hypothèses beaucoup plus pessimistes que celles considérées avant sa construction. «
Trois mesures concrètes ont été mises en uvre, décrit la direction de la
centrale : la rehausse et le renforcement des digues de protection, des travaux pour
rendre étanches les sous-sols, et une procédure d'alerte météo permettant une
mobilisation en amont des équipes. » Dans le détail, la digue a été surélevée de 1
mètre et un mur y a été ajouté, portant sa hauteur totale à 8,50 m.
La digue située à l'arrière du site a elle aussi été rehaussée pour éviter une
inondation par les eaux marécageuses des alentours. À l'intérieur des installations,
les sous-sols ont été « compartimentés afin d'éviter que l'eau se propage ». Les
deux stations de pompage du site sont désormais protégées contre une éventuelle
montée des eaux. En outre, des enrochements (pour empêcher l'affaissement de la digue)
et un pare-houle ont été mis en place face à l'estuaire.
Pour quels résultats ? « Après avoir contrôlé ces travaux de remontée de la digue,
qui ont eu lieu en 2000-2001, décrit Anne-Cécile Rigail, nous avons mené
régulièrement des inspections, notamment en 2004 et 2009, pour vérifier qu'EDF
installait un système de surveillance et de maintenance de la digue. Les conclusions
étaient plutôt positives », affirme la représentante de l'ASN.
Les doutes de Tchernoblaye
Des propos rassurants qui sont bien loin de convaincre Stéphane Lhomme, porte-parole de
l'association Tchernoblaye, résolument opposée à l'industrie nucléaire. « Les
incompétences ont peut-être été partiellement rectifiées. Mais comment faire
confiance à EDF, dans la mesure où ses experts ont été pris en défaut de manière
flagrante ? L'inondation de 1999 s'est déroulée lorsque la marée était basse (2). Or,
avec une nouvelle tempête aussi forte conjuguée à une marée haute, le même processus
peut se reproduire, malgré la nouvelle digue. » À deux reprises - en 2009 lors du
passage de Klaus et en 2010 face à la tempête Xynthia -, EDF a déclenché son
organisation de crise. « Dans ces cas-là, l'ASN se mobilise aussi et envoie des experts
pour suivre la situation, explique Anne-Cécile Rigail. Il ne s'est rien passé ; l'eau
n'a pas franchi la digue. »
Une expertise douteuse
Dans un communiqué publié en 1974, EDF rappelait les raisons qui l'avaient conduite à
implanter sa future centrale en haute Gironde (« Sud Ouest » du 23 décembre 1974).
Notamment en avançant cet argument : « Nous avons une bonne expérience des sites en
estuaire. [
] Nous avons une connaissance particulière de l'estuaire de la Gironde
qui s'appuie [
] sur les études géologiques, sédimentologiques et courantologiques
de l'estuaire, faites par des experts. »
(1) Cité dans l'enquête « Atomic Park », de Jean-Philippe Desbordes, Actes Sud, 2006.
(2) Au moment où la centrale a été inondée, le niveau de la Gironde était de 4,40 m,
et la digue haute de 5,20 m. Cela n'a pas empêché les vagues de franchir l'édifice.