La centrale du Blayais illégale ...


Entre le 1er avril et le 25 septembre 2003, la centrale nucléaire du Blayais a fonctionné dans la plus totale illégalité en l'absence d'autorisations de prises d'eau dans la Gironde et de rejets d'eau chaude. Tchernoblaye a assigné EDF en justice en référé, procédure d'urgence. Hélas, on a alors pu assister à une course de lenteur. Ce fut certainement le référé le moins rapide de l'histoire judiciaire! Et le 26 septembre 2003, trois jours avant l'audience prévue au Tribunal de grande instance de Bordeaux, le journal officiel publie les nouvelles autorisations de fonctionnement du Blayais. Mais Tchernoblaye constate immédiatement qu' elles ne sont pas complètes ! Manquent les études d'impact concernant le plancton et les crevettes. Trois ministres (industrie, santé, écologie) se sont donc compromis sur ordre d'EDF en signant un arrêté incomplet. Mais celui-ci sauve momentanément EDF. Néanmoins, Tchernoblaye a attaqué EDF devant le tribunal pénal pour l'infraction commise entre le 1er avril et le 25 septembre, et attaqué le nouvel arrêté devant le Conseil d'Etat. A suivre...

Centrale nucléaire du Blayais hors la loi : EDF est coupable
 
Tchernoblaye a mis à jour deux documents qui démontrent de façon irréfutable la responsabilité totale d’EDF par rapport au fonctionnement illégal de la centrale nucléaire du Blayais :
 
1) Une note de l’Autorité de sûreté nucléaire imposant à EDF des dates limites pour déposer des dossiers de renouvellement des autorisations de rejets. Pour le Blayais, la date limite était fixée au 6 juillet 2001. Or, c’est le 11 décembre 2001 qu’EDF a déposé le dossier du Blayais, soit avec plus de 5 mois de retard.
Voir cette note : www.asn.gouv.fr/data/information/decision16a.asp
 
2) Un extrait de l’enquête publique concernant les rejets de la centrale nucléaire de Saint-Alban (Isère). Ce document, daté du 15 février 1999, atteste que cette centrale nucléaire ne possédait plus d’autorisations de rejets depuis de 31 décembre 1997. Cela fait donc plusieurs années qu’EDF était avertie de la durée des procédures de renouvellement et des risques de se retrouver « à découvert ».
 
Centrale nucléaire du Blayais hors la loi :
Le document qui confond l’Autorité de sûreté nucléaire 
 
Dans un document daté du 3 mars 2003, que l’association Tchernoblaye s’est procuré, l’Autorité de sûreté nucléaire écrit :
 
 « Le décret du 4 mai 1995 ne permet pas au DGSNR [Directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ndr] de prendre un arrêté conservatoire valant prorogation des autorisations actuelles. (…) De plus, un tel acte pourrait être interprété comme la volonté de « couvrir » la situation d’EDF ».
 
Loin de prendre des sanctions contre EDF pour le fonctionnement illégal de la centrale nucléaire du Blayais, l’Autorité de sûreté nucléaire étudie donc des pistes pour essayer de « sauver » EDF… tout en craignant la révélation d’une telle complicité.
 
Dans ce même document, l’Autorité de sûreté nucléaire envisage d’ailleurs une offensive de Tchernoblaye (gagné !) mais aussi la mise en cause, à juste titre, de la complicité des pouvoirs publics :
 
« On peut raisonnablement prévoir une action de l’association Tchernoblaye (…) reste à savoir contre qui serait orienté le(s) recours et sous quelle forme, sachant que le message émis pourrait être du type « la centrale fonctionne en toute illégalité depuis le 1er avril avec la complicité des pouvoirs publics ».

Si c'est l'Autorité de sûreté qui le dit...

----------------------------------------------------------------------

Centrale nucléaire du Blayais « hors la loi »: Chronologie
 
31 mars 2003 : les autorisations préfectorales de la centrale nucléaire du Blayais, concernant le pompage et les rejets d’eau dans la Gironde, arrivent à échéance. Les autorisations interministérielles qui doivent les remplacer ne sont pas prêtes.
 
1er avril 2003 : EDF, soutenue par l’Autorité de sûreté nucléaire, décide de continuer à exploiter la centrale nucléaire du Blayais dans l’illégalité, d’autant que l’affaire est alors confidentielle.
 
2 avril 2003 : l’association Tchernoblaye, qui surveillait discrètement cette affaire, annonce qu’elle attaque EDF en justice pour exploitation illégale de la centrale nucléaire du Blayais.
 
12 mai 2003 : la justice écarte la demande de Tchernoblaye pour raisons statutaires. Bien que les statuts de l’association prévoient que « le Président est habilité à ester en justice », ils ne précisent pas explicitement que l’association peut faire appel à la justice pour sanctionner les infractions des entreprises de l’industrie nucléaire. Tchernoblaye est… condamnée à payer 610 euros à EDF, qui continue à exploiter illégalement la centrale nucléaire du Blayais.
 
26 juillet 2003 : le Journal officiel publie la modification statutaire opérée par Tchernoblaye.
 
1er septembre 2003 : alors que la centrale nucléaire du Blayais fonctionne toujours dans la plus totale illégalité, l'entreprise délinquante EDF exige par voie d’huissier le paiement par Tchernoblaye de 698,02 euros (les 610 accordés par le tribunal augmentés des frais d’huissier) sous huit jours, sous peine de saisie !
 
9 septembre 2003 : après appel à la solidarité, Tchernoblaye paye 698,02 euros à EDF. C'est le monde à l'envers !

13 septembre 2003 : mise à jour par Stéphane Lhomme, président de Tchernoblaye, de deux documents compromettants pour EDF. L’audience est le 29 septembre 2003.

26 septembre 2003 : le journal officiel publie les nouvelles autorisations de fonctionnement du Blayais. Or, elles ne sont pas complètes ! Manquent les études d'impact concernant le plancton et les crevettes. Trois ministres (industrie, santé, écologie) se sont donc compromis sur ordre d'EDF en signant un arrêté incomplet.

29 septembre 2003 : Tchernoblaye annule la procédure afin de ne pas être condamnée : le juge du tribunal civil n'a pas pour mission de dire si les autorisations de la centrale du Blayais sont complètes, mais seulement de constater si elle a ou non des autorisations.

2 novembre 2003 : Tchernoblaye dépose une plainte pénale devant le Procureur de la République de Bordeaux pour "exploitation illégale d'une installation classée". Il s'agit d'un délit dont sont coupables le directeur de la centrale nucléaire du Blayais et le PDG d'EDF qui risquent jusqu'à deux ans de prison. Dans le même temps, Tchernoblaye attaque devant le Conseil d'Etat les nouveaux arrêtés de la centrale.

22 janvier 2004 : la gendarmerie de Blaye, saisie par le procureur de la République, ouvre une enquête et invite Stéphane Lhomme, en tant que président de Tchernoblaye, à témoigner.

Rappel :

02/04/03 (AFP) La société EDF a été assignée mercredi à comparaître en référé devant le tribunal de grande instance de Bordeaux par l'association "Tchernoblaye", qui l'accuse de ne pas être en règle pour certains prélèvements et rejets de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde), a-t-on appris auprès de "Tchernoblaye".
La direction de la centrale avait récemment reconnu que les arrêtés préfectoraux qui régissent les rejets dans l'atmosphère et les prises d'eau dans la Garonne pour le refroidissement des réacteurs arriveraient à échéance le 31 mars sans que de nouveaux arrêtés aient été publiés.
Pour ce défaut de conformité, Tchernoblaye demande "qu'EDF suspende ses activités de pompage et de rejet des fluants et qu'elle verse une astreinte d'un euro par litre d'eau prélevé et un euro par litre d'eau rejeté tant que la centrale fonctionnera sans autorisation", a déclaré Stéphane Lhomme, président de l'association membre du réseau "Sortir du nucléaire".
La centrale a respecté les échéances fixées pour renouveler ses arrêtés mais "le dossier met plus de temps que prévu en raison d'une consultation élargie au plan national pour améliorer la maîtrise et les critères d'autorisation des rejets", selon la Direction régionale de l'industrie (DRIRE) de Bordeaux.
"La procédure devrait aboutir à la fin de l'année 2003 mais en attendant, cette situation transitoire ne présente pas d'enjeux sanitaires", selon la même source. En l'absence de nouvelles autorisations, la centrale fonctionne "en respectant les mêmes normes" que celles des précédents arrêtés, selon la direction de la centrale nucléaire.

----------------------------------------------------------

 
EDF fait peu de cas de ses obligations
La centrale nucléaire du Blayais fonctionne sans autorisations administratives.
 
Libération, samedi 17 mai 2003 - Laure NOUALHAT
 
Une centrale nucléaire hors-la-loi, ça fait un peu désordre. Surtout quand l'illégalité résulte d'une «broutille» administrative. L'histoire concerne le centre nucléaire de production d'électricité du Blayais, basé à Saint-Ciers-sur-Gironde. Pour fonctionner, une centrale doit bénéficier d'autorisations administratives, notamment celles de pomper de l'eau et de rejeter des effluents radioactifs et non radioactifs, liquides et gazeux. Sur le site du Blayais, lesdites autorisations sont arrivées à échéance le 31 mars. En théorie, EDF n'a donc plus le droit de pomper les 500 millions de litres d'eau nécessaires pour le refroidissement de ses quatre réacteurs (dont deux fonctionnent en ce moment, les deux autres étant en révision), ni de rejeter l'équivalent en effluents dans l'estuaire de la Gironde. En pratique, l'entreprise publique s'en fiche bien. Elle reconnaît fonctionner sans avoir le droit de le faire mais assure respecter les normes fixées par les autorisations obtenues en 1989. «C'est scandaleux, explique Me Reulet, avocat de l'association Tchernoblaye, qui a assigné EDF en justice. EDF agit comme un automobiliste privé de permis de conduire qui promettrait de respecter le code de la route.»
Comment EDF a-t-elle pu négliger ces autorisations ? Leur cheminement administratif est long et l'entreprise aurait omis de lancer la procédure à temps. C'est la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) de l'Aquitaine qui monte le dossier de la centrale mais c'est un arrêté interministériel (industrie, écologie et santé) qui délivre les fameux imprimatur.
L'association Tchernoblaye guettait l'expiration des autorisations délivrées par la préfecture en 1989. Dès le 1er avril, elle assigne l'entreprise en justice. «Nous demandions au juge de constater une voie de faits et de stopper l'activité de la centrale», explique Stéphane Lhomme, président de l'association. Un vœu symbolique qu'EDF a évité grâce à un ergotage juridique : l'association s'est fait débouter lundi au motif que ses statuts ne prévoient pas la possibilité d'engager des poursuites judiciaires. Le jugement rendu indique même que les statuts de Tchernoblaye « n'indiquent pas que celle-ci a pour objet spécifique de veiller aux conditions réglementaires applicables aux installations nucléaires ». Comble de l'ironie, Tchernoblaye est condamnée à payer 610 euros d'amende.
« Pour nous, il y a un vrai problème de démocratie. EDF nous dit : "Même sans autorisation, je fonctionne." Ça veut dire quoi ? Nul n'est censé ignorer la loi, y compris le lobby nucléaire », s'énerve Stéphane Lhomme. Le dossier, désormais en cours d'instruction dans les ministères, se débloquera à la fin de l'année 2003. D'ici là, Tchernoblaye aura modifié ses statuts et repartira à l'assaut. A moins qu'EDF ne prépare un nouveau tour de passe-passe juridique pour se défiler. En attendant, la centrale nucléaire du Blayais continuera à fonctionner, en toute illégalité.


TchernoBlaye